Premières rencontres de l’Institut Européen Est-Ouest

Disciples et transfuges du Théâtre d’Art de Moscou

 

 

Disciples et transfuges du Théâtre d’Art de Moscou

 

Marie-Christine AUTANT-MATHIEU
CNRS,ARIAS

 

La renommée du Théâtre d’Art de Moscou a commencé à se répandre au-delà des frontières russes dès la première tournée européenne de 1906. Mais, avec la scission accidentelle de la troupe en 1919, suivie d’un certain nombre de départs, individuels (M. Tchekhov) ou collectifs (groupe de Prague), volontaires ou forcés (groupe de V. Katchalov), provisoires (O. Gzovskaïa) ou définitifs (N. Massalitinov, M. Germanova, V. Gretch, P. Pavlov, G. Serov, etc.), c’est une véritable diaspora qui se produit. Ce qui explique la très large diffusion - jusqu’aux États-Unis -, d’un certain type d’art théâtral russe.

Contraints de multiplier les tournées pour survivre, les artistes exilés cherchent à se fixer dans un pays et s’efforcent d’y trouver un lieu où fonder un théâtre permanent, doté d’une troupe professionnelle et d’un répertoire de qualité. Ils tentent souvent d’associer à la production de spectacles l’expérimentation et la pédagogie dans le cadre d’un laboratoire ou d’une école.

Après avoir recensé les différents groupes issus de la maison mère, montré leurs difficultés, leurs orientations esthétiques, leur impact dans les principaux pays d’accueil (Tchécoslovaquie, Pologne, Allemagne, Bulgarie, France, États-Unis), nous soulignerons le côté unique de cette dispersion. Car, malgré les conditions difficiles de l’exil, les artistes du Théâtre d’Art ont conservé et transmis une pratique (le jeu d’ensemble), une éthique (la discipline collective), une certaine idée de l’artiste aussi, qui ne se contente pas de divertir mais se dévoue à l’art et se sent investi d’une responsabilité devant le public.

Nous aborderons aussi la question de la barrière linguistique, terrible pour un comédien de théâtre, ce qui amènera pour certains une reconversion au cinéma, tant qu’il sera muet (G. Khmara, R. Boleslavski), surtout dans les studios de Berlin, Prague et Hollywood.

 



Marie-Christine Autant-Mathieu

Marie-Christine Autant-Mathieu est Directeur de recherches cnrs au Laboratoire sur l’Intermédialité et les arts du spectacle, enseignante à l’université Paris III-Sorbonne Nouvelle, coresponsable du Comité russe à la Maison Antoine-Vitez (Centre international de la traduction théâtrale). Elle est auteur d’ouvrages (Le Théâtre soviétique durant le dégel, 1953-1964, Paris, CNRS Éditions, 1993 ; Le Théâtre de Boulgakov, Lausanne, L’Âge d’Homme, 2000), responsable de recueils (Écrire pour le théâtre. Les enjeux de l’écriture dramatique, Paris, CNRS Éditions, coll. Arts du spectacle/Spectacles, histoire, société, 1995 ; Alexandre Vampilov, Montpellier, Les Cahiers de la Maison Antoine Vitez-Climats, 1996 ; Théâtre russe contemporain, Le Méjan, Actes Sud-Papiers, 1997 ; Les Voyages du théâtre. France-Russie xxe siècle, Tours, Presse de l’Université de Tours, Cahiers d’histoire culturelle, n° 10, 2001) et a publié de nombreuses études sur le théâtre russe dans des ouvrages collectifs et des revues.