Premières rencontres de l’Institut Européen Est-Ouest

L’Europe vue par le tsar Alexandre Ier : nature, contours géographiques et organisation politique de 1804 à1818

 

 

L’Europe vue par le tsar Alexandre Ier :
nature, contours géographiques
et organisation politique de 1804 à 1818

 

Marie-Pierre REY
Université Paris I Panthéon-Sorbonne, Centre de Recherches en histoire des Slaves

 

Si au fil du XVIIIe siècle, les règnes de Pierre le Grand, d’Élisabeth puis de Catherine II ont permis à la Russie de s’arroger de facto une place prédominante sur le théâtre européen, l’empire des tsars n’en demeure pas moins durant toute cette période tenu en lisière par les autres États du continent qui rechignent à voir dans le colosse oriental un État européen à part entière. A contrario, lorsqu’en 1825 la mort brutale d’Alexandre Ier conduit sur le trône russe « Nicolas la Trique », l’appartenance de la Russie au système européen ne fait plus aucun doute pour la plupart des observateurs occidentaux ; et si un marquis de Custine peut s’émouvoir et dénoncer l’illusoire « européanité » de la Russie dans laquelle il ne repère que duperie et faux-semblant, les dirigeants européens comme les opinions publiques naissantes voient dans l’État russe « le gendarme de l’Europe », c’est-à-dire un État dont la nature européenne, toute portée au conservatisme qu’elle puisse être, n’est dès lors plus contestable.

Or, dans cette mutation, les vingt-cinq ans du règne d’Alexandre Ier ont joué un rôle capital non seulement parce que de conflits en paix armée, le théâtre européen n’a cessé dans cette période de dominer la diplomatie tsarienne, mais également parce qu’entre 1801 et 1825 et particulièrement entre 1804 et 1818, l’Europe a occupé une place de premier plan dans les réflexions et les perceptions politiques du tsar lui-même.

C’est sur ces réflexions et ces perceptions que notre contribution souhaite s’arrêter, en dégageant leur dimension novatrice voire visionnaire : car de fait, loin de se réduire au projet conservateur voire rétrograde d’une Sainte-Alliance dont la légende noire fut dès les années 1830-1840 véhiculée puis ancrée par l’historiographie romantique et républicaine, les idées et les projets politiques élaborés entre 1804 et 1818 par un tsar toujours influencé par l’héritage des Lumières s’avèrent, au contraire, particulièrement audacieux et modernes pour le premier quart du XIXe siècle.

Le recours tant à des matériaux d’archives publiques - correspondance du tsar avec ses ministres des Affaires étrangères, correspondances entre les ministres et les ambassadeurs russes en poste dans les capitales européennes, correspondances des ambassadeurs ouest-européens en poste à Saint-Pétersbourg... - qu’à des matériaux d’archives privées - correspondance du tsar avec sa mère l’impératrice Maria Fiodorovna, sa sœur la grande-duchesse Catherine et son ancien précepteur le républicain La Harpe ou bien encore à des mémoires rédigés par des contemporains du tsar russes et ouest-européens, nous permettra de rendre compte du caractère moderne et audacieux de la pensée d’Alexandre Ier.

 



Marie-Pierre Rey

Ancienne élève de l’École Normale Supérieure (1980-1985), agrégée d’histoire (1983) et licenciée de russe (1981), Marie-Pierre Rey est docteur habilitée en histoire de l’université Paris I Panthéon-Sorbonne. Elle est depuis 1998 professeur d’histoire russe et soviétique à l’université Paris I, où elle dirige le Centre de Recherches en histoire des Slaves.

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Dernières publications :

Soutenue en décembre 1989, sa thèse a été publiée en 1991 aux Publications de la Sorbonne sous le titre La tentation du rapprochement, France et URSS à l’heure de la détente. Outre de nombreux articles consacrés à la politique extérieure russe et soviétique, Marie-Pierre Rey a publié deux autres ouvrages, De la Russie à l’Union soviétique, la construction de l’Empire, 1462-1953, (Paris, Hachette 1994) et Le dilemme russe, la Russie et l’Europe occidentale d’Ivan le Terrible à Boris Eltsine, (Paris, Flammarion, 2002), et participé à la publication en 1996 de deux ouvrages collectifs L’Europe des nationalismes aux nations (Paris, SEDES, en collaboration avec Bernard Michel et Nicole Pietri) et Nations et nationalismes en Europe, 1848-1914, (Paris, Armand Colin, sous la direction de Pierre Saly.) Elle travaille actuellement à une biographie du tsar Alexandre Ier.